Le Ministre de l’Equipement, des Transports et du Logement

le 18 août 1999

à Madame le garde des Sceaux, Ministre de la Justice

Objet : Manifestations sur les barrières de péage

L'augmentation de la fréquence et de l'ampleur des manifestations prenant pour cadre les barrières du péage sur les autoroutes concédées pour des motifs sans lien avec l'exploitation de celles-ci constitue une préoccupation croissante des sociétés concessionnaires.

Entre 1995 et 1998, plus de 350 manifestations ont ainsi été dénombrées chaque année sur le réseau autoroutier concédé, soit près d'une par jour. Ces manifestations sont le fait de diverses catégories socioprofessionnelles : agriculteurs, chasseurs, chauffeurs routiers, membres d'associations de chômeurs, agents des services publics...

Elles s'accompagnent le plus souvent de pertes de recettes, les manifestants s'opposant à la perception du péage. Entre 1995 et 1998, ces manifestations ont représenté une perte de recette annuelle moyenne de 70 MF, soit environ 200 000 F par manifestation.

Ces manifestations s'accompagnent quasi systématiquement de la non-intervention des forces de l'ordre présentes sur place et de l'absence de suite judiciaire résultant soit d'un classement sans suite des plaintes déposées par les sociétés concessionnaires, soit d'une jurisprudence défavorable qui ne leur permet pas d'être indemnisées des préjudices financiers subis.

Cette situation donne aux manifestants l'impression qu'il existe un consensus pour que les manifestations se déroulent sur les autoroutes, où ils bénéficient d'une totale impunité. Celle-ci peut d'ailleurs expliquer la croissance régulière du nombre de ces manifestations.

Cette impunité crée enfin un sentiment d'inquiétude et d'insécurité parmi les personnels des sociétés concessionnaires, et particulièrement les receveurs. Il est à craindre que, faute de redresser la situation des incidents graves opposent tôt ou tard ces personnels aux manifestants.

La multiplication de ces opérations de " péage gratuit " contribue enfin à favoriser la remise en cause du péage qui constitue pourtant un des moyens de financement des infrastructures.

Je considère qu'il est indispensable que, dans l'esprit de la circulaire du 10 août 1987 relative aux entraves à la circulation routière, ferroviaire, fluviale et sur les aérodromes, des instructions soient données aux Préfets afin de mettre un terme, quand cela s'avère nécessaire, aux agissements répréhensibles et à la banalisation des manifestations sur le domaine autoroutier. C'est la raison pour laquelle j'ai saisi le Ministère de l'intérieur de ces difficultés.

Ces manifestations sont accompagnées le plus souvent d'infractions : entrave à la liberté du travail, à la liberté de circulation, à la perception du péage, dégâts causés au domaine public (bris de maté-

riel ... ) menaces et actes d'intimidation contre des personnes exerçant une mission de service public, organisation de manifestations non autorisées ou interdites.

Ces infractions ne sont actuellement pas retenues par les parquets. Avant d'envisager la création d' un défit spécifique à la perception du péage, qui permettrait aux sociétés concessionnaires d'autoroutes de se faire rembourser les préjudices causés par les manifestations, à me semblerait nécessaire que vous puissiez faire examiner la manière de sanctionner effectivement les infractions existantes.

Jean-claude Gayssot

 

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