LA COGESTION CONTRE LES LUTTES

 

 

 

Dès le début de la Vè République, les gouvernements, qui cherchent à restructurer l'appareil de production au compte des besoins du patronat, engagent des "plans" et "réformes" contre les acquis que constituent l'accès aux études de centaines de milliers d’étudiants, ainsi que la délivrance de diplômes qualifiants, nationaux et reconnus par les conventions collectives.

La première grande offensive est lancée en 1966 avec le plan Fouchet qui institue pour la première fois les limitations de redoublement, y compris pour les étudiants salariés, et les mesures de préorientations, notamment l’interdiction pour les titulaires de certains bacs de s'inscrire dans certaines sections scientifiques. L’année universitaire 67-68 est menée par l'UNEF (alors unifiée) contre les mesures déqualifiantes et sélectives en projet, et débouche sur la grève générale de mai-juin 68 qui balaye le plan Fouchet

Pourtant le régime gaulliste n'a pas renoncé à ses objectifs. Mais il ne lui est plus possible, après la grève générale, de procéder à une nouvelle offensive frontale contre les étudiants.

Nouveau ministre de l'Éducation Nationale nommé après 68, Edgar Faure propose une réforme fondamentale qui vise à aligner l’université française une et indivisible (mêmes diplômes, mêmes conditions d'études dans toute la France) sur les universités américaines, autonomes et concurrentielles. La loi Faure instaure pour la première fois l’existence de facultés autonomes gérant leurs propres budgets. L’autonomie financière permet l’introduction de capitaux privés et de fonds régionaux dans le financement des facs ( et, par là; la destruction des diplômes nationaux), la loi indiquant qu'elles peuvent disposer "d'autres ressources provenant de legs, donation, participation des employeurs au financement des premières formations professionnelles. Elles peuvent recevoir des subventions des régions, des départements, des communes".

Avec l’autonomie, la participation est l’axe principal de la loi Faure. Elle crée des conseils d'université et d'UER (appelées plus tard UFR), composés d'enseignants, d'étudiants et de "personnalités extérieures choisies pour leur compétence"(patronat), qui sont chargés de gérer cette autonomie. Le lien très étroit unissant l'autonomie et la participation a été

explicité par E.Faure lui-même au Parlement: "Autrefois on n'avait pu définir l'autonomie parce qu’on n'avait pas pensé à la participation".

C'est la question décisive. Ce qui n'avait pu être imposé de manière frontale aux étudiants doit l'être avec leur appui, ou du moins avec celui de certains d'entre eux. E. Faure met en pratique ce qu'il appelle le principe de "subsidiarité" ou de cogestion, qui consiste de la part du pouvoir à faire prendre en charge par les étudiants eux-mêmes les attaques qu'il leur porte. Il s'agit d'associer les étudiants, et en premier lieu leur organisation syndicale, l'UNEF à l'application de la politique du gouvernement afin de désamorcer tous risque d'affrontement.

De plus, le caractère corporatiste de ces conseils, regroupant les étudiants et les enseignants d'une même discipline ou d'une même fac, a pour but de diviser, fractionner les étudiants et par là même d'empêcher leur regroupement au niveau national face au pouvoir.

Notons que ce sont les principes de la loi Faure qui régissent encore aujourd'hui l'université. Elle n'a jamais été abrogée (elle cohabite avec la loi Savary de 1984) et, en ce qui concerne la participation, la loi Savary reprend l’ensemble de ses dispositions en ajoutant la création des CEVU et CS.

La politique de participation est indissociable de la logique des institutions de la Vè République, qui vise à réaliser l’association Capital-Travail, à réunir les "partenaires sociaux" sous l'égide de l'État pour définir en commun les "intérêts de la nation". Le propre des institutions gaullistes est d'associer, par le biais de divers organismes (commissions pour l'intéressement des salariés aux profits des entreprises, commissions pour la planification des licenciements, tables rondes, ...), les syndicats à l’application autoritaire des plans gouvernementaux, et au-delà, de les intégrer à l'appareil d'État. D'ailleurs, la loi Faure anticipe sur ce que de Gaulle voulait réaliser en 69 à l'échelle du pays, en soumettant à référendum une réforme visant à créer des structures régionales regroupant le patronat, les syndicats et l'administration où les organisations syndicales auraient vocation à gérer avec les patrons la "bonne marche" des entreprises.

 

Le texte ci-contre a été rédigé par des militants de l'UNEF Paris-1 ait débat des années 90. Sa thèse a été reprise par des militants à Caen, Rouen, Lille, ... par la suite.

Il analyse dans les détails la méthode de la cogestion introduite par le gaullisme en 1968 avec la loi Faure. Cette méthode a pour fonction de répondre, du point de vite de l’Etat, aux luttes, pour les contrer

Il s'agit de la reprise, adaptée à la situation étudiante, de la thèse marxiste sur l’Etat et des relations entre celui-ci et les organisations syndicales.

Il intéressera donc plus largement les

syndicalistes en général.